Le terroir des Cévènnes

Celui qui, entendant parler du Languedoc, imagine un paysage méditerranéen, allant de la Camargue à la Costa Brava, avec un arrière-pays vallonné, sec et chaud où cohabitent la vigne, le chêne vert, le romarin et la garrigue, sera surpris en découvrant le département de la Lozère. Sa partie nord est formée par l’Aubrac qui, géologiquement, fait partie de la région volcanique de l’Auvergne, et par le massif granitique des Margerides, connu pour ses hauts pâturages. Ses montagnes, tout comme le sommet pelé du Mont Lozère (1 702 m), où le Lot, le Tarn, l’Altier et la Cèze prennent leur source, étaient la destination des drailles, les innombrables itinéraires de transhumance. Depuis trois millénaires, chaque mois de juin, les troupeaux de moutons, mais aujourd’hui aussi de bovins, montent vers les alpages, d’où ils redescendent à l’automne. Ils ne comprennent plus aujourd’hui que quelques dizaines de milliers de têtes, alors qu’au siècle dernier, avant que la culture de la vigne n’ait éliminé toute autre forme d’agriculture dans l’Hérault et le Card, les moutons se comptaient par centaines de milliers. Chaque troupeau empruntait les vieux chemins qui, au fil des siècles, ont tracé le réseau routier de la région. Les villages qu’ils traversaient connaissaient un commerce florissant. Là-bas, on savait comme nulle part ailleurs accommoder la viande de mouton, ce qui nous vaut de nombreuses spécialités cévenoles. L’élevage des moutons est aujourd’hui encore l’activité principale des rares habitants des grandes Causses, ce plateau aride, battu par les vents, à près de 1000 mètres d’altitude, à la lisière des Cévennes. Les Cévennes proprement dites, dont le cœur se situe entre le Mont Aigoual et le Mont Lozère, sont composées essentiellement de roche schisteuse. Les fermes sont isolées, les sols pauvres et les conditions de vie très rudes. Il n’y a encore que quelques dizaines d’années, les fermes vivaient en autarcie, ce qui n’aurait pas été possible sans les châtaignes, l’aliment de base en Cévennes. Le châtaignier s’est propagé là où la culture céréalière était pratiquement impossible et sa culture remonte à la fin du Moyen Âge. Sous forme de pain ou de bouillie, à la poêle, cuits ä l’eau ou réduits en purée, ses fruits oléagineux et nourrissants servaient à l’alimentation de la population mais aussi du bétail, du bois de châtaignier on faisait des piquets, des tonneaux, des meubles. Un l’utilisait aussi comme bois de chauffage. Un entourait de soins cet arbre si précieux : on le taillait, on maintenait les sols propres autour de son tronc. L’exode rural et les maladies en ont réduit le nombre, mais malgré tout, le châtaignier marque cette région encore de nos jours. Aujourd’hui, les arbres sont retombés maintenant à l’état sauvage, ils sont malades et bien trop vieux. Mais leurs fruits sont restés une spécialité traditionnelle des Cévennes.