Le riz de Camargue

Au pays des taureaux et des chevaux sauvages, une autre particularité est à signaler: la Camargue est la région la plus au Nord de l’Europe où l’on cultive encore le riz. C’est une longue histoire. Ce sont les Maures qui ont introduit le riz en Espagne, d’où il gagna l’Italie, pour revenir en France au XIIIe siècle. Sa culture n’a pris de réelle ampleur que vers 1870, avec l’endiguement des régions marécageuses du delta du Rhône, ce qui a eu pour effet d’imprégner les terres de sel. À l’époque, le riz n’était qu’une culture intercalaire que les paysans plantaient dans le but de préparer les sols à la culture de la vigne. Pendant la Seconde guerre mondiale, les importations de riz étant pratiquement nulles, non seulement à cause des hostilités, mais aussi à cause des problèmes qui germaient en Indochine, la France s’intéressa à la culture du riz.

Dès 1945, dans le cadre du Plan Marshall, la Provence se dota de canaux d’irrigation et de stations de pompage , leur développement dans les 15 années suivantes fit de cette région, avec ses 30 000 ha de rizières, la zone de culture la plus importante d’Europe. La mise en culture de cette plante aquatique qu’est le riz requiert des champs parfaitement nivelés. Autrefois, cet impératif se traduisait par un travail très long qui consistait à planter des piquets tous les 10 m, de manière à pouvoir vérifier la hauteur du sol , les creux et les bosses étaient nivelés à la main. Dès le milieu des années 1980, le nivellement a été réalisé à l’aide d’engins à chenilles équipés de laser et pilotés par ordinateur. L’eau qui submerge les rizières n’a qu’une profondeur de 5 a 10 cm, ce qui influe directement sur le rendement En effet, pour croître, le riz a besoin de chaleur, or plus la profondeur de l’eau est faible, plus elle peut se réchauffer rapidement.

Les semailles se font dès la mi-avril. Quatre ou cinq jours auparavant, les riziculteurs inondent les champs avec l’eau du Rhône. Pour germer, le riz doit bénéficier d’une température de 15 à 17 degrés. Au bout d’un mois, on évacue lentement l’eau pour que les jeunes pousses de riz, jusque-là flottant à fleur d’eau, puisse prendre racine. Ensuite, on les submergera une nouvelle fois. Dans la seconde quinzaine du mois d’août, le riz fleurit. Cest un moment très délicat, car sa floraison ne dure qu’une heure et demie et il faut, au total, de 130 à 150 jours entre la germination et la récolte. Le riz ne supporte pas les températures inférieures à 12 degrés, ce qui certaines années n’est pas sans poser de problèmes. Au moment de la récolte, il présente une humidité de 25 à 27 % qui devra être ramenée à 14 %, la plupart du temps mécaniquement dans des fours spécialement conçus. Cette opération est indispensable avant de pouvoir décortiquer les grains de leur glumelle et de leur balle. Cest un travail dont se chargent des entreprises spécialisées, car une charte interdit aux riziculteurs d’assurer la distribution de leurs propres récoltes. Le riz non traité, le paddy, est entouré de sa glumelle. Lorsque l’on retire cette coque, qui n’est pas comestible, on obtient du riz complet, de couleur brune, riche en substances précieuses, dont les vitamines B.

Le riz complet n’étant pas un riz de longue conservation, il passe généralement dans une machine ä décortiquer, ce qui dans le même temps élimine la plus grande partie de ses éléments nutritifs et de ses vitamines, particulièrement la vitamine BI, dont notre organisme a besoin pour digérer le féculent contenu dans le grain (la perle). Le riz blanc a causé en Asie le béri-béri, une maladie polynévritique due à l’absence de vitamine 151 dans l’alimentation. Les eaux usées résultant de l’agriculture classique et donc chargées de toxiques, se déversent dans l’étang de Vaccarès. Ce que l’on pourrait souhaiter de mieux au site protégé de la Camargue serait de pouvoir envisager sa production de riz dans le cadre d’une culture plus écologique.